Non ! répond la CDAP, qui apporte des précisions dans l’arrêt en question sur la portée de l’article 77 LATC (arrêt de la CDAP AC.2017.0071 du 15 août 2017). Elle a estimé que la municipalité qui délivre le permis de construire, malgré l’opposition du département, viole la disposition cantonale.
Confrontées aux exigences de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, certaines communes, dont les zones à bâtir sont manifestement surdimensionnées, font le choix de placer une partie, voire la totalité, de leur territoire en zone réservée. Cette mesure provisoire, qui gèle toute nouvelle construction pendant un délai de cinq ans prolongeable trois ans, doit leur permettre de mener sereinement la réflexion sur leur future planification territoriale.
D’autres communes ont opté pour une solution moins « radicale » en tentant, par le biais d’une annonce dans la FAO, de dissuader les propriétaires de déposer une demande de permis de construire, tant qu’un nouveau plan d’affectation ne serait pas adopté. Le dialogue engagé avec les futurs promoteurs a parfois permis de faire comprendre la problématique et retarder le dépôt des demandes de permis. D’autres fois, face à l’empressement des propriétaires à faire passer au plus vite leurs dossiers de mise à l’enquête, les communes ont été contraintes de recourir au cadre légal cantonal afin de ne pas mettre en péril la conformité de leur plan d’affectation avec le PDCn et la LAT.
Les communes qui ont effectué ce genre de démarche ne l’ont pas fait de gaieté de cœur mais ont conscience qu’à défaut d’agir par elles-mêmes, c’est le canton qui fixera le périmètre ainsi que les modalités de ces zones.
En effet, de jurisprudence récente, l’autorité cantonale peut instaurer une zone réservée dans le but d’inciter les communes dont les zones à bâtir sont surdimensionnées, à réviser leur plan d’affectation général, l’objectif in fine étant de garantir l’approbation du plan directeur cantonal par la Confédération et accélérer la levée du moratoire sur les nouvelles constructions.
Un des outils juridiques sur lesquels s’appuie le SDT se trouve dans la loi cantonale à son article 77, qui permet au département de s’opposer à la délivrance du permis de construire par la municipalité lorsqu'un plan cantonal d'affectation ou une zone réservée sont envisagés. Dans ce cas, la dernière phrase de l’alinéa premier précise que « la décision du département lie l'autorité communale ».
Jusqu’à présent, deux options se présentaient aux municipalités dans un tel cas : décider de suivre la décision du SDT ou passer outre, l’autorité communale s’exposant dans les deux cas à de possibles recours de la part du département ou des propriétaires.
Désormais, la CDAP estime que la municipalité n’a pas d’autre choix que de rendre une décision de refus du permis de construire, en principe dans le délai légal de quarante jours dès le dépôt de la demande de permis ou de la délivrance des autorisations cantonales. Le requérant peut alors renouveler sa demande de permis si les délais fixés dans l’article 77 LATC (soit huit ans prolongeables six ans par le Conseil d’Etat) pour mettre à l’enquête la nouvelle planification ne sont pas respectés par l’autorité cantonale. En outre, c’est la décision du refus de permis, et non l’opposition du SDT, qui fait partir ledit délai. Aussi, il n’y a aucun intérêt pour les communes de « s’attarder » à statuer sur la demande de permis pour finalement constater que le délai légal est échu. Elle n’a pas d’autre choix, sous peine de violer l’article 77 alinéa 1 dernière phrase, que de refuser le permis de construire (cependant, il lui est encore possible de négocier avec le SDT un retrait d’opposition ou du moins l’assurance que ce dernier n’exercera pas son droit de recours contre la levée de l’opposition, ce qu’il consent parfois à faire lorsque la commune lui apporte la garantie d’engager au plus vite la révision de son PGA).
Jusqu’à présent, la jurisprudence n’avait pas eu l’occasion de préciser la portée de cette phrase. Elle a estimé, bien que n’étant pas une décision au sens de l’article 3 LPA-VD, que c’est bien l’opposition du SDT qui est visée dans le texte. Elle appuie son raisonnement sur le fait qu’il ne serait pas logique que la municipalité puisse passer outre l’opposition du département et ainsi mettre en danger une planification ou une zone réservée cantonale.
Le feuilleton du difficile travail de redimensionnement des zones à bâtir se poursuit donc pour nos communes, qui doivent maintenant faire face à des différences de traitement des demandes de permis sur un même territoire. En effet, certains projets ne font l’objet d’aucune opposition de la part du canton, d’autres sont freinés par une opposition du département mais non suivi d’une mise à l’enquête d’une zone réservée (en particulier lorsque le SDT renonce à établir une telle zone lorsque la commune accepte de débuter ses travaux de révision de son PGA). Enfin, les plus malchanceux sont gelés par la mise en place d’une zone réservée sur la parcelle concernée.
Cette divergence de traitement, engendrée par les différentes prises de position du SDT, n’est pas prête d’apaiser les relations entre les autorités communales et les propriétaires qui peinent à digérer les refus de permis.
Service juridique de l'UCV