La loi est claire : lorsqu’un conseiller général ou communal a un intérêt personnel ou matériel dans l’affaire à traiter lors du conseil, il doit se récuser spontanément. La tenue d’un registre des intérêts permet aux conseillers de siéger en toute transparence et intégrité. Cette possibilité demeure peu utilisée à ce jour.
Clair avez-vous dit ? L’article 40j de la loi vaudoise sur les communes (LC) ne l’est pas forcément à en croire les échos qui nous reviennent des préfectures et des autorités communales, d’autant plus que chaque cas est différent et la jurisprudence quasi inexistante sur la question.
Un petit tour d’horizon de cette thématique ne nous a pas paru superflu. C’est parti !
Qu’entend-on par intérêt personnel et matériel ?
Par intérêt personnel, il faut comprendre un intérêt qui tient à la personne même du conseiller ou en rapport avec ses relations de famille et autres relations personnelles. Les intérêts matériels, quant à eux, se réfèrent aux éléments patrimoniaux ou pécuniaires du conseiller.
A titre d’exemple, un conseiller actionnaire et membre du conseil d’administration d’une société immobilière dont la commune possède des parts doit se récuser dans le cadre d’un préavis municipal portant sur la vente d’actions de cette société. On peut encore mentionner le cas d’un conseiller directeur d’un établissement financier auprès duquel la commune doit contracter un emprunt par le biais d’un préavis qu’elle soumet au conseil.
La seule existence d’un intérêt personnel ou matériel est-elle suffisante pour justifier la récusation du conseiller ?
Non pas forcément. Une éventuelle récusation ne se pose que lorsque l’intérêt en question du conseiller est de nature à générer en lui une opinion préconçue, un conflit d’intérêt ou à créer auprès des administrés une certaine méfiance. Cela découle du principe d’impartialité que l’ensemble des conseillers doivent respecter lorsqu’une décision est prise.
Le lien entre ses propres intérêts et l’objet soumis au conseil doit être particulièrement évident et direct afin que les motifs de récusation ne soient pas trop sévères. La notion de récusation doit donc être interprétée de manière restrictive. Elle doit être l’exception, la règle étant la liberté d’intervention de chaque conseiller et surtout elle ne doit pas être utilisée comme arme politique.
Le lien sera direct et évident s’agissant d’un conseiller vendeur de sa parcelle et qui a par conséquent un intérêt à ce que le prix de vente soit le plus élevé possible, ce qui est contraire à l’intérêt de la commune d’acquérir ce terrain au prix le plus intéressant possible. Le lien est également évident s’agissant de prendre une décision de prêt afin de soutenir une société de remontées mécaniques dont le conseiller est actionnaire.
En revanche, prenons le cas d’un conseiller, employé au centre patronal vaudois auprès duquel de nombreuses entreprises sont affiliées. Doit-il pour autant, à chaque fois qu’un objet ayant trait à l’économie vaudoise, craindre une demande de récusation à son encontre au nom d’un intérêt personnel ou matériel ? La réponse est négative : le salaire de ce conseiller ne dépend pas de la volonté de la commune de traiter avec telle ou telle entreprise affiliée au centre patronal. Si l’on devait lui reconnaître un intérêt personnel dans cette affaire, il faudrait en faire de même avec toutes les personnes possédant une action UBS ou BCV ou avec tous les employés de ces banques. Ils auraient tous un intérêt matériel dans l’objet à traiter, mais il ne serait ni direct, ni particulièrement visé par le législateur.
Qui peut demander la récusation ?
Lorsque le conseiller ne se récuse pas spontanément, un autre membre du conseil communal ou le bureau peut demander sa récusation. Il revient alors au conseil de statuer sur la question de la récusation à la majorité des membres restants, la personne récusée ne participant pas au scrutin.
Quelles sont les conséquences de la récusation ?
Si un conseiller est récusé, celui-ci ne participe ni aux séances de commission, ni à la discussion, ni au vote final sur l’objet traité. Il est fait mention de la récusation dans le procès-verbal et dans l’extrait de la décision du conseil.
Quid si le conseiller ne s’est pas récusé ?
Il n’y a pas de sanction prévue par la loi en cas de non-respect des dispositions sur la récusation. Si sanction il doit y avoir, celle-ci sera plutôt politique et se matérialisera ultérieurement par une démission ou une non-réélection, même si ce cas de figure demeure extrêmement rare.
L’art. 145 al. 1 LC ouvre la voie du recours administratif au Conseil d’Etat contre la décision du conseil entachée d’un vice de procédure sur la récusation. Toutefois, la jurisprudence précise qu’il ne doit s’appliquer qu’à titre subsidiaire lorsqu’aucune autre voie de recours n’est ouverte contre l’acte litigieux.
C’est la raison pour laquelle, par économie de procédure, lorsque le tribunal cantonal est compétent pour statuer sur un litige relevant de sa compétence, il est également saisi de l’ensemble des griefs, dont celui sur la récusation.
Autres exemples de récusation
- D’une manière générale, il est délicat que le conseiller communal se retrouve juge et partie à une procédure. Aussi il semble logique, lorsqu’il a formé opposition à un plan général d’affectation, que le conseiller ne puisse pas se prononcer sur la levée de sa propre opposition en séance de conseil. Cependant, il conserve le droit de se prononcer sur le plan en lui-même.
- Un conseiller dont l’étude d’avocats est mandatée par la commune dans le cadre d’un projet de construction doit se récuser à chaque fois que ce sujet sera porté à l’ordre du jour.
Quelques exemples de récusation non justifiée
- Les décisions concernant des textes à portée normative et générale tels que les règlements communaux, arrêtés d’imposition et plans d’affectation, ne sont pas susceptibles de générer un cas de récusation dans la mesure où ces textes ne sont pas de nature à influencer leurs intérêts personnels.
- Un membre du conseil communal ne doit pas forcément se récuser en raison de sa qualité de membre d’une association qui a formé opposition à un projet communal mis à l’enquête publique et qui doit faire l’objet d’un vote au conseil communal. Il s’agit dans ce cas de bien faire la différence entre un intérêt personnel qui entraînerait la récusation (par exemple si le conseiller est propriétaire d’une parcelle touchée par le projet) et un intérêt collectif qu’un conseiller membre d’une association se doit de porter publiquement (intérêt à conserver le patrimoine architectural de la commune par exemple), y compris devant le conseil, librement et sans devoir se récuser.
- Selon la jurisprudence, il ne paraît pas justifié que le seul fait d’occuper un emploi au sein d’une autorité communale soit de nature à représenter un intérêt personnel ou matériel pour le projet soumis au conseil et porté par le municipal sous l’autorité duquel le conseiller se trouve placé.
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Mis à jour le 23 mars 2023